La vie en hôpital psychiatrique

Rentrer dans un hôpital psychiatrique sous contrainte par la grande porte est toujours une épreuve.

Pour ma part, j’y ai été mis de force, emmené par mon père et deux de mes oncles médecins.

La route dans la camionnette de mon père, encadré par mes oncles, fut horrible. J’ai cru que j’allais finir ma vie la bas. Je me voyais déjà dans une chambre capitonnée, la bave au menton sous l’effet de puissants calmants.

Une fois arrivé, face à la psychiatre responsable des admissions, j’ai essayé de rassembler le peu de lucidité qui me rester.

C’était perdu d’avance mais j’ai quand même tenté de me défendre.

Quelques minutes plus tard, je fus admis dans le pavillon cinq qui regroupait tous les malades de mon agglomération.

Je fus accueilli par une infirmière qui me rassura en me parlant avec une voix douce et en me tenant un discours pas trop infantilisant. Elle devait avoir du métier.

Puis, on m’a laissé faire les cents pas dans cet espace qui comprenait une grande salle, une véranda, un petit jardin et à l’étage, les chambres.

Mon premier réflexe fut de vouloir sortir. Il n’y avait qu’une porte en verre pour retrouver la liberté mais je commençais déjà à me sentir bien. En tout cas, mieux que dans la maison familiale ou la vie était infernale. De toute façon je n’avais nulle part où aller, j’étais en pleine campagne.

Je prenais possession des lieux. Les gens n’étaient pas plus étranges que moi mais personne ne disait rien.

Je commençais à aimer cet endroit.

La fusillade d’Istres

« Le tueur, un déséquilibré passionné d’armes… » Voilà ce que je peux lire sur internet ou entendre à la télévision. J’ai même entendu dire par des journalistes qu’il était schizophrène.

Encore une bonne occasion pour nous rendre la vie plus difficile et nous stigmatiser d’avantage, nous les schizophrènes.

Déjà qu’on nous oblige à passer devant un juge  pour sortir d’hôpital psychiatrique même si nous n’avons rien fait qui contrevient aux lois.

Si vraiment nous étions dangereux, comme nous sommes 600 000 en France, je crois qu’il y aurait des morts tous les jours, hors ce n’est pas le cas.

Vous imaginez, 600 000 schizophrènes qui se baladent dans les rues de France. Vous vous en apercevez ?  Dans le monde, cela représente une personne sur cent que vous croisez.

Mais rarement nous nous faisons remarquer. Nous préférons nous replier sur nous-même et restez chez nous parce-que nous avons peur. Nous préférons ne pas nous faire remarquer parce-que pour nous c’est l’hôpital psychiatrique.

Comment savoir si je suis schizophrène?

Toute la question est la… Si vous n’avez jamais été diagnostiqué vous ne pouvez pas vous en rendre compte par vous-même. Vous trouvez que certaines de vos pensées sont étranges mais vous trouvez cela normal, excitant même. Vous avez l’impression de vivre une expérience extraordinaire.

Malheureusement tout cela ne dure qu’un temps. Petit à petit vous vous éloignez de la réalité et les autres ne vous comprennent plus. Vous êtes rejeté et commencez à en souffrir.

Vous pouvez alors exploser en faisant une crise ou être emmené  plus calmement par des hommes en blancs.

Le réveil est alors brutal lorsque vous vous rendez compte que personne ne vous comprend et qu’on vous inflige toute sorte de contraintes, médicaments, enfermement…

Vous êtes alors pris d’angoisses, de mal être… La chute est alors terrible et vous commencez à perdre votre autonomie, toutes les choses de la vie deviennent difficiles et vous souffrez terriblement.

C’est le début du cauchemar et vous êtes pris dans une spirale infantilisante mais vous êtes trop faible pour lutter.

C’est alors que votre vie de tous les jours est régie par des médecins, des infirmières, des assistantes sociales, des tuteurs…

Un jour un médecin vous dira que vous êtes schizophrène et vous garderez cette étiquette jusqu’à vos derniers souffles.

J’ai appuyé sur la gâchette et je n’aurai pas dû.

Quand le présent et l’avenir étaient trop sombres, quand tout était fini ou presque, quand il ni y avait plus d’espoir, alors  j’ai appuyé sur la gâchette.

J’ai pris dans le tiroir de la table de chevet de ma chambre assez de pilules pour mourir et le rideau est tombé.

C’était un soir et le lendemain matin mon corps était froid.

Aujourd’hui, je me rends compte que c’était une erreur. J’erre parmi vous, j’essaie de parler mais vous ne répondez pas.

Vous n’entendez pas mes cris de douleurs lorsque je suis allongé sur le trottoir et que vous passez à côté de moi. Aucun pompier ne vient et personne ne s’arrête. Que se passe-t-il ?

Vous êtes le fruit de mon imagination, de mes délires, de mon cerveau de schizophrène.

 

Guérir de la schizophrénie.

Ce matin, je me réveille, il fait du soleil et j’ai un rêve. Un peu comme gagner à l’euro million, c’est guérir de la schizophrénie.

Toutes ces souffrances, ce traitement qui m’empêche de bander, ces angoisses, cette solitude… Je voudrais donner un grand coup de pied dedans et vivre comme mes amis sur Facebook qui ont un travail, une femme, des enfants ou alors construire quelque chose.

Trouver une autre utilité à ma vie que celle de fumer de cigarettes à longueur de journée comme monter une entreprise, travailler, faire le tour du monde en courant, élever des enfants, sauter en parachute, bref vous l’aurez compris, ce matin j’ai envie de me sentir utile, j’ai envie d’exister.

Quand je tourne le dos je me souviens de ces moments où je me prenais pour le diable ou pour dieu. Ces moments délirants où je pensais que les extra-terrestres allaient venir me chercher ou bien encore que je pouvais parler aux gens par télépathie.

Je pense à ces longs mois passés en hôpital psychiatrique, je pense à cette période et j’ai envie de retourner dans mon lit et ne rien faire. Cette maladie est trop lourde à porter.

Il faudrait que je recommence tout depuis le début, m’éloigner de cette ville, de cette vie. Prendre un revolver et appuyer sur la gâchette. Il faut que je m’éloigne de là ou je suis pour aller ailleurs.

 

Pourquoi demander des dons lorsque l’on est schizophrène ?

La question peut se poser. Je tiens à préciser que je ne suis pas sous tutelle donc à priori je sais gérer mon argent. Je suis cependant dans l’incapacité de pouvoir travailler.

J’ai donc décidé de créer ce blog et de raconter comment l’on vit lorsque l’on est atteint de cette pathologie. Je voudrais écrire plus d’articles mais les moments de bien être propices à cette tâche sont rares…

Les frais d’une vie autonome s’accumulent : loyer, nourriture, eau, gaz, mutuelle, transport en commun et les moyens pour gagner un peu d’argent sont rares.

J’ai donc décidé de créer un espace dons qui si le blog vous apporte quelque chose sera pour moi une sorte de reconnaissance. Une reconnaissance pour « le travail » que je fais en développant ce lieu d’échange.

Merci d’avance pour toutes les personnes qui ont déjà donné et me permettre à ma manière d’exister, de me sentir mieux et de décrire cette pathologie.

J’ai envie d’étrangler mon psychiatre.

Cela fait un peu plus de quinze ans que je le connais et il a toujours le dernier mot lol.  Toujours sûr de lui et me remettant à chaque fois dans ma case de schizophrène.

Je suis tellement habitué à lui que je suis un peu effrayé à l’idée dans changer. Ce serait peut-être une bonne chose de voir une autre tête que la sienne.

Je me rends compte que je suis dépendant. Je pourrais très bien demander à un médecin généraliste qu’il me prescrive mon traitement.

Pour dire la vérité je suis à peu près stabilisé et je n’ai pas envie qu’un autre gourou de la science me change mon traitement et me fasse replonger.

Je n’ai pas très confiance en la psychiatrie qui au final n’a pas de solution « miracle » pour moi  mais juste des béquilles.

Dans le doute, je m’accroche à mon spécialiste de peur que l’herbe de ne soit moins verte ailleurs.

 

Le fantasme du tueur schizophrène.

« Un schizophrène a poussé sa victime sous les rails d’un train. »

« Breivik, tueur schizophrène paranoïde »

«Le tueur schizophrène toujours en fuite dans la ville »

Ces simples phrases attisent notre curiosité et nous remplissent d’effroi. Paradoxalement cela fait plus de 15 ans que je côtoie des schizophrènes en milieu psychiatrique ou dans la vie de tous les jours et je n’ai jamais vu aucun acte de violence.

Nous aimons nous faire peur. Nous aimons fantasmer sur des histoires horribles qui ne concernent qu’une minorité de schizophrènes.

La folie fascine et fait vendre lorsqu’elle est associée à des faits divers tragiques parce qu’elle sort du champ de l’explication et du rationnel.

Nous ne savons la cerner.

Malgré cela, en janvier 2013 le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’Homme a publié un bilan humain du nombre de victimes dans le conflit civil syrien : le chiffre des 60.000 morts a été atteint.

Ne trouvez-vous pas qu’il y a comme un décalage ? Quelque chose d’indécent ?

J’ai discuté avec un collègue « schizophrène »

Je ne le connaissais pas depuis longtemps et au détour d’une conversation il s’est confié à moi. Il m’a raconté son histoire d’un ton calme et posé avec  beaucoup d’assurance.

Tout a commencé lorsqu’il est parti à Paris m’a-t-il dit. Il est tombé en panne de voiture sur le périphérique. Il a marché en ce téléportant  avant de rencontrer une patrouille de police qui l’a emmené à l’hôpital pour être finalement interné.

Il a des supers pouvoirs comme la téléportation mais il sait aussi changer le bruit que fait sa voiture en son d’une Ferrari…

Il m’a aussi dit qu’il y avait plusieurs grades : saint, fils de Dieu et que lui-même l’était et qu’il aimerait parler à d’autres fils de Dieu comme lui.

J’avoue que j’ai été un peu désarçonné par tout cela. Ne pas rire, ne pas le contre dire mais ne pas l’encourager non plus.