Le schizophrène hurle.

Jacques se souvient du jour où tout a commencé. Le jour il a explosé, hurlant dans la rue pendant de longues minutes, près d’un poste frontière. Ce moment-là ou toute la souffrance accumulée pendant des années c’est libérée. Ce moment-là où il ne discernait plus le réel de l’irréel. Des vagues de cris se sont succédé, venant résonner contre une montagne toute proche.

C’est à partir de ce moment-là que les angoisses et le mal être est apparu. A partir de là qu’on l’a appelé le schizophrène.

Un schizophrène ordinaire.

Jacques est heureux aujourd’hui. Peut-être l’approche des fêtes, et surtout le soleil qui inonde son appartement sont des bons antis dépresseurs.

Hier, il s’est couché de bonne heure mais n’a pas réussi à dormir. Des vagues d’angoisses, toujours les mêmes l’ont obligé à prendre un Temesta. Médicament qui a fait son effet le plongeant dans un bien être ouateux.

Jacques a ses moments. Il sait que cet après-midi ce sera plus dure, c’est tous les jours comme ça. La schizophrénie est vraiment une sale maladie.

Il rêve d’un téléthon pour cette maladie. Que toute la France se mobilise et que des découvertes soient faites.

Jacques rêve beaucoup, comme d’imaginer qu’il va gagner au loto, que ses cheveux vont repousser…

L’espoir fait vivre et Jacques espère toujours trop et finalement il est déçu. Il est trop enthousiaste, trop impulsif, insatisfait en fait.

Jacques, schizophrène, ne va pas bien.

Jacques sait que pour un schizophrène, chaque contrariété ou stress provoquent des souffrances qui l’obligent à aller se mettre dans son lit.

Une fois dans son lit Jacques broie du noir et imagine les pires scénarios. Son environnement se liquéfie. La porte de son réfrigérateur va s’ouvrir malgré qu’il ait vérifié dix fois qu’elle soit bien fermée et mettre le feu à son appartement. En appelant son père, ce dernier va avoir un accident en décrochant au volant. Ou alors, Jacques ne saura plus remplir son dossier d’allocation, l’obligeant à vivre dans la rue.

Jacques prend la couverture pour la mettre sur sa tête pour se couper du monde. Il a vraiment mal et n’est plus capable de rien.

Jacques rêve d’une vie sans stress ou angoisses inutiles.

Dans ces moments la Jacques est comme pris dans les phares d’une voiture. Sa schizophrénie a pris le dessus et il doit attendre une heure ou deux que les choses se calment avant de mettre en pied en dehors du lit.

Et surtout que personne ne sonne à la porte de son appartement, pitié, il ne veut voir personne.

Un schizophréne au travail.

Aujourd’hui Jacques n’a pas mal au ventre au bureau. Il se sent bien. Il en oublierait presque qu’il est schizophrène.

C’est vraiment une sale maladie se dit-il. Mais au fur et à mesure que son chef lui donne des ordres, le stress monte et Jacques ne sais pas comment l’évacuer. Au bout de quelques heures il est ailleurs et doit se réfugier dans les toilettes.

Cela fait un bout de temps qu’il est là. Quelqu’un frappe à la porte. Angoissé, il ne veut voir personne, il veut juste rentrer chez lui et se mettre sous la couette. Chaque parole et comme un boomerang dans sa tête et lui fait perdre tout sens de la réalité.

En sortant des toilettes, il ne vraiment pas bien du tout. Il se retrouve dans un grand hangar en tôle qui accentue son mal être. Les lumières et les sons tournent autours, pénètrent son corps et l’agressent. Le bruit des ordinateurs et des machines de pliage et de découpage lui hérisse le poil.

Il se dit que c’est une épreuve, qu’il n’est pas schizophrène. Jamais, cette maladie !!! Ma la simple vision de ses collègues de travail et trop dure à supporter. Le grand hangar est devenu un piège mortel duquel Jacques doit fuir au plus vite, avant d‘exploser.

Au moment de sortir, il croise un de ses collègues et croit l’entendre dire schizophrène. La lourde porte en acier du hangar se referme et Jacques et dehors, ouf !!!

Pas facile la vie de schizophrène.

Dans la rue Jacques, un schizophrène, marche vite pour aller à son bureau. Les trottoirs sont sales, les gens nombreux et c’est tout un sport pour les éviter. Surtout les regards, les gens sont bizarres pense Jacques. Il s’imagine dans un monde où nous serions tous schizophrènes.

Un monde de folie ou les gens ne sauraient plus s’ils sont dans le réel ou l’imaginaire. Juste des fantômes qui se croiseraient.

Jacques, dans sa tête, imagine des gens pris de crises de schizophrénies qui se mettraient à hurler sans raison. D’autres urineraient contre les murs, ou seraient prostrés par terre atteints d’une crise de panique dans une indifférence générale.

Jacques a peur, il préfère la douceur de son appartement aux rues des grandes villes qui fourmillent de crasse.

Et si tout n’était qu’illusion, tout ça… S’il ne construirait pas lui-même son environnement au fur et à mesure. A cette simple pensée une crise de panique envahie son cerveau. Vite vite, il faut que je sorte, mais pour aller où ?

Dans une rue piétonne, un homme habillé en bleu lui tend un journal gratuit. Jacques le prend et essaie de se concentrer sur un article pour calmer son angoisse.

Enfin, il rentre dans son bureau.

Mon psychiatre

Schizophrène, Schizophrène, Schizophrène, ce mot raisonne dans ma tête. Quand je suis face à mon psychiatre et qu’il le prononce, je le regarde bien dans les yeux. Il n’y a pas moyen de le faire changer d’avis.

Un jour dans un hôpital, on m’a appelé comme ça et aujourd’hui c’est comme un deuxième prénom.

Mon psychiatre est sûr de lui. J’ai le doux rêve qu’un jour il change d’avis.

Je me demande ce qu’il se passerait si je portai un t-shirt avec écrit dessus le nom de ma maladie. Les gens me jetteraient des pierres ?

Il m’énerve ce psychiatre. Il a réponse à tout. Quand j’ai fini de parler il prend quelques secondes de réflexion en retenant sa respiration et me donne une explication. Dans son fauteuil de chef d’entreprise parce qu’il a mal au dos, il ne s’énerve jamais…

Il faut que je sois plus malin que lui. C’est comme un combat pour celui qui prendra le dessus sur l’autre.

Je me bats tout seul si cela tombe. Lui il s’en fou et puis il a bien raison. Au bout du compte quand je sors de son cabinet j’ai fait chauffer la carte bleue, toujours avec le même rituelle : prescription de médicaments, carte vital et carte bleue.

Putain, je suis un schizophrène

Putain, je suis un schizophrène. Ça m’est venu un beau matin enfin non pas vraiment. De longues années d’errances, de la souffrance, des hospitalisations, des crises… pour aujourd’hui faire de moi un homme en morceau.

Je ne suis pas entier, la glace dans laquelle je me regarde est déformée. Tous les matins, je vois un visage qui ne ressemble à rien. Déjà que la salle de bain n’est pas terrible avec la peinture blanche qui s’écaille du plafond, du carrelage jauni par le calcaire et une tapisserie qui donne envie de vomir, il faut que en plus que je me tape un moment de vide absolu en regardant un homme de 35 ans, avec les cheveux courts. Ce personnage que j’essaie de cerner chaque matin, ce visage ovale, ces yeux marrons, a en plus un je ne sais quoi de banal. Il n’est ni beau ni laid et ne dégage rien qui ne puisse attirer le regard des autres et surtout celui des jolies femmes.

Pourtant, ce visage, les gens le regardent. Dans le bus ou dans les rues d’une petite ville du nord de la France. Je vois bien tous ces yeux qui se croisent, ces gens, que pensent-ils ? Cela pourrait peut être me donner une indication. Moi lorsque je regarde quelqu’un dans des vieux bus qui vibrent de partout à chaque nid de poule, j’ai bien une idée dans la tête.

Oui, nous ne sommes pas tellement gâtés par les transports en communs à Wimereux. Le bus est le moyen de locomotion des pauvres et des scolaires. Des gens parfois crades ou handicapés qui posent leurs sales yeux sur mon visage qui ne sait pas qui il est, dans un bus qui parfois fait penser à la cour aux miracles.

J’aspire les autres comme un trou noir aspire les planètes autour de lui. Je me sens comme ça dans le bus.

Les regards des autres ne reflètent rien en moi.

Une jeune femme a l’air de s’intéresser à moi. Elle a trois enfants, et me parle. Je lui souris par ce que je suis poli mais rien, il ne se passe rien. Certains pourraient la trouver jolie mais je préfère encore regarder mon Smartphone, la route que je connais par cœur ou encore le dossier du sièges devant moi, maculé de tag, brulé ou abimé à coup de couteaux.

Je me sens proche plus proche de ces dossiers de sièges, abimés et sales que de cette jeune femme.

Il y aurait bien une jeune étudiante, assis au à l’avant du bus. Décidemment, quelle vie de merde, plus je vieillis et plus je me sens en décalage, trop vieux pour elle en tout cas.

Un sentiment de solitude m’envahit, par les orteils puis dans le ventre et enfin tout le corps. J’ai envie de me plier en deux et d’aller me cacher dans un coin du bus pour pleurer. Mon âme est aussi usé que ce vieux chewing gum sur lequel je marche et qui ne colle même plus.

J’essaie quand même de faire comme si tout allait bien. De temps en temps un bref sourire, je caresse machinalement mon menton toujours pour donner une contenance alors que je ne suis qu’une bouteille vide.

Dans ces moments-là j’ai juste envie d’aller me coucher. Puisque la chaleur humaine m’est inaccessible je me rattrape sur celle d’une bonne vieille couette. Au moins là je suis bien.

Enfin!!!

La guerre contre la schizophrénie est déclarée. Pour une fois je me sens bien, entier, heureux, juste ce qu’il faut.

J’ai envie de faire un peu de ménage, nettoyer les toilettes, laver le sol… Si tous les jours pouvaient être comme aujourd’hui.

Je ne suis pas angoissé. Je ne fume pas cigarettes sur cigarettes pour attendre désespérément et en souffrant neuf heures, pour aller me coucher.

J’ai envie d’écouter un peu de musique, de me préparer un bon petit plat et profiter de ma soirée.

J’ai envie de rencontrer un peu de monde et de voir les gens que j’aime.

J’ai envie et ça c’est plutôt rare.

Un matin à l’arrêt de bus

Mon cerveau est en morceau et tout est en apesanteur autours de moi. Il n’y a plus de gravité. La clef qui est dans ma poche va surement s’envoler, la voiture m’écraser. Je vise la poubelle, une angoisse ma gagne, la canette que j’ai dans la main va disparaitre. Les gens autour de moi vont rire, de me voir ne plus savoir marcher.

Il faut que je reprenne le contrôle mais mon cerveau défaille.

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Le temps d’un schizophrène

Je regarde les minutes passer. Chaque seconde qui passe est une seconde de souffrance en moins. Chaque heure qui passe est une heure de mal être en moins. Mais pour aller où ? Vers un futur qui ne sera pas meilleur. Je rêve d’une vie sans cette maladie. Qu’ai-je fait de mal ? La vie est un calvaire qui ne s’arrête jamais. Une longue route que je chemine à pieds nus.

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