Putain, je suis un schizophrène

Putain, je suis un schizophrène. Ça m’est venu un beau matin enfin non pas vraiment. De longues années d’errances, de la souffrance, des hospitalisations, des crises… pour aujourd’hui faire de moi un homme en morceau.

Je ne suis pas entier, la glace dans laquelle je me regarde est déformée. Tous les matins, je vois un visage qui ne ressemble à rien. Déjà que la salle de bain n’est pas terrible avec la peinture blanche qui s’écaille du plafond, du carrelage jauni par le calcaire et une tapisserie qui donne envie de vomir, il faut que en plus que je me tape un moment de vide absolu en regardant un homme de 35 ans, avec les cheveux courts. Ce personnage que j’essaie de cerner chaque matin, ce visage ovale, ces yeux marrons, a en plus un je ne sais quoi de banal. Il n’est ni beau ni laid et ne dégage rien qui ne puisse attirer le regard des autres et surtout celui des jolies femmes.

Pourtant, ce visage, les gens le regardent. Dans le bus ou dans les rues d’une petite ville du nord de la France. Je vois bien tous ces yeux qui se croisent, ces gens, que pensent-ils ? Cela pourrait peut être me donner une indication. Moi lorsque je regarde quelqu’un dans des vieux bus qui vibrent de partout à chaque nid de poule, j’ai bien une idée dans la tête.

Oui, nous ne sommes pas tellement gâtés par les transports en communs à Wimereux. Le bus est le moyen de locomotion des pauvres et des scolaires. Des gens parfois crades ou handicapés qui posent leurs sales yeux sur mon visage qui ne sait pas qui il est, dans un bus qui parfois fait penser à la cour aux miracles.

J’aspire les autres comme un trou noir aspire les planètes autour de lui. Je me sens comme ça dans le bus.

Les regards des autres ne reflètent rien en moi.

Une jeune femme a l’air de s’intéresser à moi. Elle a trois enfants, et me parle. Je lui souris par ce que je suis poli mais rien, il ne se passe rien. Certains pourraient la trouver jolie mais je préfère encore regarder mon Smartphone, la route que je connais par cœur ou encore le dossier du sièges devant moi, maculé de tag, brulé ou abimé à coup de couteaux.

Je me sens proche plus proche de ces dossiers de sièges, abimés et sales que de cette jeune femme.

Il y aurait bien une jeune étudiante, assis au à l’avant du bus. Décidemment, quelle vie de merde, plus je vieillis et plus je me sens en décalage, trop vieux pour elle en tout cas.

Un sentiment de solitude m’envahit, par les orteils puis dans le ventre et enfin tout le corps. J’ai envie de me plier en deux et d’aller me cacher dans un coin du bus pour pleurer. Mon âme est aussi usé que ce vieux chewing gum sur lequel je marche et qui ne colle même plus.

J’essaie quand même de faire comme si tout allait bien. De temps en temps un bref sourire, je caresse machinalement mon menton toujours pour donner une contenance alors que je ne suis qu’une bouteille vide.

Dans ces moments-là j’ai juste envie d’aller me coucher. Puisque la chaleur humaine m’est inaccessible je me rattrape sur celle d’une bonne vieille couette. Au moins là je suis bien.

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