J’appuie sur la gâchette

Y a des soirs quand le soleil est couché, la même petite musique revient encore et encore. D’abord de l’énervement puis de la lassitude, conduisent mes pensées vers un revolver ou une corde. Le sentiment du devoir accompli, que tout ce qui avait pu être tenté pour s’en sortir et même plus l’a été fait.

Je ne peux rien faire de plus. Arrêter quand on est encore debout est un signe de lucidité. Ne pas faire la course de trop. Que mon entourage garde de moi une image que je maîtrise encore un peu.

Toujours cette petite musique qui vient me prendre chaque soir au claire de lune et qui m’entraine et me berce. J’aurai tenu bon, malgré les vagues le vent.

Mais ce soir je suis fatigué de lutter, fatigué de cette fatalité. Cette petite musique tourne en boucle dans ma tête.

Je ne devrais peut être pas l’écouter mais la rage qu’elle me procure me donne encore l’envie de vivre. Encore un peu je veux écouter cette petite musique.

Je ferai sans doute la journée de trop.

 

 

La petite chanson de la peur

Je suis dans mon canapé et je suis angoissé. J’ai du réduire ma dose de neuroleptique, c’était intenable. Les effets secondaires, une tension dans tout le corps m’en ont contraint. Aujourd’hui je peux écouter de la musique et me détendre un peu mais tout m’effraie.

Entre les deux, je préfère quand même la peur. Une peur diffuse qui coule tout doucement dans les veines. Je suis seul chez moi. Le monde autour n’existe plus vraiment. Je vais fermer les volets. J’ai envie de parler à quelqu’un, de me rassurer avec la voix d’un ami mais les amis se lassent vites.

Alors pourquoi ne pas écrire ?

C’est un peu comme jeter une bouteille à la mer. On ne sait pas qui va la lire. Je suis sur une île déserte mais même avec toute la volonté du monde vous ne pourriez pas faire grand-chose pour moi.

Je suis là à coté de vous. Je pourrais tenir votre main mais l’univers dans lequel je suis est tellement loin du votre.

Je suis comme vous, un être humain qui cherche une lumière dans cette nuit sans étoiles. De temps en temps les phares d’une voiture passent à travers ma fenêtre. Surement un père ou une mère de famille qui rentrent retrouver les leurs.

Je suis schizophrène

Plus que tous les comprimés, quand j’écris j’arrive à évacuer la douleur. J’essaie de transcender la douleur en mots. Plutôt que de me recroqueviller et donner des coups de points sur mon canapé, c’est mieux de taper sur un clavier non ?

Après je n’ai pas la style d’un écrivain, juste beaucoup de temps et une maladie incurable. Alors peut-être vous êtes atteint vous aussi de cette maladie ou alors vous la découvrez ?

Dans tous les cas, je vous remercie si vous prenez quelques minutes pour lire un texte ou deux.
Ça me donne l’impression d’exister un peu. De n’être pas uniquement une boule dans l’estomac, une angoisse ou une personnalité désintégrer.

J’ai envie rire, je parle d’un vrai fou rire. Fou je le suis déjà mais j’ai vraiment envie de rire aux larmes et sans tricher, avec des gens réels.

Communier avec les autres, partager une joie… celle que vous voudrez et pas forcément un truc religieux, tant qu’à faire je préfère même éviter.
Je ne sais pas moi, vous avez gagnez au loto et voulez m’en donner une partie. Ça c’est vraiment un bonheur communicatif.

Non je plaisante, là pour l’instant j’ai envie de soleil, de chaleur… humaine. J’en ai marre de pleurer devant ma télévision, je suis un peu trop sensible. Ça casse un peu le mythe, enfin je plaisante encore.

L’intérêt de ce blog c’est que je peux encore me promener dans la rue sans devoir signer des autographes à chaque coin de rue. C’est pour ça que je ne mettrai jamais ma photo ou donnerai mon nom. Je suis vraiment très ironique aujourd’hui. Je fais blague sur blague. Sinon, vous connaissez des histoires drôles sur les schizophrènes ?
Je vais faire une recherche sur internet et si j’en trouve je les posterai. Faut démystifier un peu cette maladie.

Schizophrène, j’ai augmenté ma dose de neuroleptique.

J’ai eu plusieurs fois la mâchoire contractée pendant de longues heures, c’est très douloureux. En gros vous ne pouvez plus fermer la bouche et votre langue et tirée. C’est un effet secondaire du solian, le neuroleptique que je prends. J’ai tellement été traumatisé après une nuit complète passée aux urgences à souffrir atrocement que j’avais un peu baissé la dose.

Aujourd’hui, mon corps assimile mieux cette molécule et j’ai donc décidé de revenir à la posologie initiale. J’ai encore des angoisses lorsque je me focalise trop sur ma mâchoire mais je me rends compte que dans la vie de tous les jours c’est plus confortable.

D’un point de vue général je souffre moins, je me sens plus équilibré. Bien sûr je reste schizophrène à 100%, jusqu’à la fin de mes jours mais cela se verra peut être moins.

Ne vous inquiétez pas, je continuerai à dire ce qui ma passe par la tête. J’en rajouterai toujours un eu parce que la folie et la souffrance psychique ne peuvent pas vraiment être décrites sans passer par des métaphores…

De plus, la provocation est la seule arme efficace contre les lieux communs.

Un schizophrène dans l’émission de télé réalité « secret story »

J’ai envie de faire le buzz, d’être connu et reconnu. Je pourrais me balader tout nu dans la rue. J’ai envie d’être invité chez Ardisson… La schizophrénie est une maladie qui n’apporte pas la gloire sauf dans les faits divers et je suis contre la violence.

Beaucoup de gens veulent être célèbres et c’est un peu mon cas. Malheureusement pour moi je n’ai pas de talent particulier.

Je suis juste un homme qui souffre. Je ne veux pas finir en martyr sur une croix. Je crois que mon destin est tristement ordinaire. J’ai pas envie de faire une vidéo sur YouTube. Et de toute façon des milliards de personnes vivent très bien sans être connus.

C’est peut-être la solitude, le chômage qui me donnent le sentiment de ne pas servir à grand-chose sur cette planète.

Mais si je m’inscrivais à « secret story » mon secret serait celui de ma pathologie. Je me demande combien de temps il faudrait pour qu’il soit découvert.

En fait, je crois que c’est surtout tf1 qui est gagnant dans cette émission. Tout le monde sera célèbre pendant quinze minutes, Andy Warhol avait bien raison. A force de regarder ses écrans ont à envie d’y être.

Je crois que je vais me satisfaire de ma situation d’inconnu. Je ne supporte déjà pas d’avoir trop d’amis alors des fans, qu’elle horreur.

Je ne donnerais que très peu d’interview, je vivrais reclus dans ma villa avec piscine dans le sud de la France.

Les tabloïds parleraient de mes hospitalisations en milieu psychiatrique. Je serais la plus trash des stars.

Les autres quand on est schizophrène

Il y a certains moments où il vaut mieux arrêter de se battre, arrêter de lutter, arrêter de vouloir des choses qu’on n’aura jamais. Prendre le temps de réfléchir de se poser.

J’ai remarqué que plus je souhaitais quelque chose et plus je m’en éloignais : la gloire, les femmes, l’argent, la santé….

Je vais être honnête, je n’ai rien eu de tout cela. En plus je suis passé à côté de belles choses. Au lieu de tisser des liens sincères avec les autres, je voulais les imposer.

Il y a des temps différents et le temps des relations humaines est long. Parce que les sentiments, prennent du temps à grandir en chacun de nous.

On ne construit pas une amitié, une relation amoureuse en quelques jours.

Bien qu’aujourd’hui tout aille très vite, on passe à côté de l’essentiel. Il faut être patient, laisser vivre l’autre à son rythme et s’il y a résonnance, profiter de cet instant magique. On peut alors laisser le silence s’installer pour mieux revenir après.

Se réveiller dans un hôpital psychiatrique

« J’ouvre les yeux. J’essaie de bouger mes bras et je m’aperçois que mes poignets sont attachés au lit.
Une angoisse commence à envahir mon cerveau. Autour de moi, tout est blanc et il y a des barreaux aux fenêtres.

Je ne me souviens plus de ce qu’il s’est passé n’y pourquoi je suis là.

Un inconnu rentre dans la pièce en poussant des cris. Il commence à prendre les aliments du plateau repas qui est sur la table devant mon lit et asperge la chambre avec. J’ai un peu de ketchup sur le visage.

Mon angoisse monte. Il s’approche de moi en tenant un briquet à la main. Il commence à brûler un bout du lit qui heureusement ne prend pas feu.

Je ne peux rien faire, je suis complètement entravé. Il approche le briquet de mon visage. Il bave et a l’air très excité.

Soudain une deuxième personne en blouse blanche rentre et saisit le briquet qui n’était plus qu’à deux centimètres de mon visage.

Je comprends que c’est un infirmier et qu’il vient de me tirer d’un mauvais pas en mettant le patient hors de ma chambre.

Dans ma tête les choses s’accélèrent. Je prends conscience que je suis dans un hôpital psychiatrique.

J’essaie de parler mais je m’aperçois que les muscles de ma mâchoire sont contractés à cause des effets secondaires des médicaments qui m’ont été administrés.

L’infirmier me dit que cela va passer et repart en fermant à clef ma chambre, m’isolant ainsi des autres patients. »

Je souffre de schizophrénie et je viens de vous raconter les première minutes conscientes d’une de mes hospitalisations en 1998.

La réalité est distordue

Plus j’avance et plus mes pensées se plient, mon univers se réduit. Je me recroqueville, je tourne en rond.

Les murs se rapprochent dans mon petit appartement. Mes pensées ne sont plus des lignes droites, elles se ratatinent sur elles-mêmes.

Je n’arrive plus à penser globalement, tout est centré sur ma pauvre carcasse. Les autres n’existent plus. Je suis seul au fond du trou.

Dans la foule, je tombe, je glisse… Je suis seul en plein milieu d’une forêt, la nuit. Des bruits me font peurs, je sursaute. J’ai quitté cette humanité qui nous caractérise.

Je suis loin, les gens me parlent et je n’entends que des échos qui me paraissent venir d’ailleurs. Je n’existe presque déjà plus.

Je regarde si j’arrive encore à marcher, c’est pas compliqué pourtant, un pas devant l’autre. Je ne sais pas où je vais. Peut-être un oasis quelque part ?

Mais c’est une chimère, le seul endroit où je pourrai trouver un peu de repos sera pour l’éternité.

En attendant, je sors les répliques que j’ai apprises il y a bien longtemps. Je vois que les gens ne sont pas dupes. Toutes mes phrases tombent à contre temps, comme un robot défectueux.

 

Tout est si limité dans le monde réel

Je m’ennuie quand il y a un cadre, quand tout est fixe, quand il y a des limites. Je préfère les moments où je délire. Je préfère les instants ou mon cerveau ne sait plus trop si autour de lui les choses sont réels. Si tout n’est pas une grande conspiration et d’en être le centre, c’est beaucoup plus jouissif.

Plutôt qu’une vie parmi des milliards d’autres qui se demandent tous, ou l’on va, d’où l’on vient, qu’est-ce que l’on fait là. Eh bien moi je préfère mes délires. Je suis peut-être fou mais au moins je m’éclate. Dans mes délires je suis quelqu’un d’exceptionnel, pas comme dans la vraie vie ou rien de nouveau et d’exceptionnel ne se passe vraiment. Une vie ennuyeuse ou tout est codifiée, organisée, une vie faite de frustrations qu’il faut gentiment accepter.

Je préfère mon sentiment d’étrangeté, qui me pousse à réfléchir, à me poser des questions que vous ne vous posez jamais.

Je préfère l’angoisse du vide absolu face à l’interrogation de ce que l’on est plutôt que la certitude d’être.

Je préfère crever seul, dans mes délires, plutôt que d’avoir à supporter le monde ignoble dans lequel on vit.

Je ne sais quand je partirai mais j’espère que je serai loin, face à moi-même, perdu dans une folie qu’aucun médicament ne pourra soigner, parce que je suis fait ainsi.

Mon cerveau tourne trop vite ce matin.

J’ai tout un tas de choses à faire. Faire la vaisselle, me laver, vider les poubelles, aller chez le coiffeur, prendre rendez-vous avec ma conseillère bancaire…

Comme dans un accélérateur de particule, tout rentre en collision dans ma tête et cette dernière est en surchauffe. C’est vraiment désagréable comme sensation. Je suis fébrile, je tremble.

J’aimerai me poser cinq minutes. J’aimerai un peu d’éternité ou tout du moins la sensation. Et puis l’heure tourne, tic-tac-toc, de plus en plus vite… Jusqu’au moment où le souffle du temps ralentira, encore et encore. 

J’aurai alors l’amère sensation que plus rien n’a d’intérêt et je rentrerai dans une torpeur angoissante.

Je serais insatisfait, je commence déjà à l’être.