Rendez-vous chez mon psychiatre.

psychiatre

Aujourd’hui je devais voir mon psychiatre. C’est un homme d’une cinquantaine d’années. Toujours sûr de lui, assis dans un fauteuil confortable, devant un bureau, face à moi. La première chose qu’il me demande à chaque fois, c’est « comment allez-vous ? ». Il écoute pendant quelques minutes puis fait le tri dans mes propos et en décortique le sens. Il donne alors quelques conseils, assez techniques que je dois souvent faire répéter dans un langage un peu plus clair. Il est détaché de mes souffrances. Je ne lui en veux pas, il ne peut pas porter toute la misère du monde.  Les séances durent vingt minutes, c’est un peu court je trouve. Pourtant,  sa simple présence me rassure, je lui donne peut être des pouvoirs de guérisseur qu’il n’a pas. En même temps, il me prescrit mon traitement et l’ajuste en fonction. C’est sur cette partie des soins qu’il est le plus utile, bien que la médecine ne soit pas une science exacte.

J’ai l’impression d’avoir beaucoup évoluer depuis toutes ces années de consultations. Je pense avoir grandi et avoir fait un gros travail sur moi, malgré la maladie. Il y a des symptômes qui ne peuvent pas se soigner, mais sur lesquels on peut travailler quand même, comme les angoisses, qui doivent être affrontées. La vie sociale qu’il faut développer. Des nouveaux traitements médicamenteux, seraient les bienvenus…  En effet, les thérapies analytiques ont leur limite lorsque l’on est schizophrène.

Angoisses et Jogging

visage-peur

1er mai 2014, belle matinée pour aller courir, c’est une véritable passion. J’ai croisé de nombreux vendeurs de muguets sur le bord des routes. Bonne idée pour se faire un peu d’argent. Souvent je pars une heure, en faisant attention que mes clefs sont dans une poche bien fermée… Au début, je n’allais pas loin, je souffre également d’une phobie d’éloignement. Je restais dans un secteur très proche, par rapport à mon lieu d’habitation. A chaque fois, c’était la même chose. Mon chronomètre m’indiquait le temps qu’il me restait pour rentrer, pris de panique, je faisais demi-tour. Petit à petit, j’ai réussi à sortir de mon village, au prix d’intenses luttes contre la peur.

Malheureusement, c’est alors qu’est venu la phobie des chiens, lorsque je traverse un village… Rien ne se perd, tout se transforme, j’ai l’impression. Je suis alors obligé, de modifier mon itinéraire en fonction des aboiements…

J’aimerai que mes phobies ne gèrent plus mon quotidien. Elles sont là, quel que soit leur forme. Quand une disparaît, une autre réapparaît, ça doit être écrit.

Dans une association pour personnes en souffrance psychique

folie

Aujourd’hui, je suis resté trop longtemps sur mon ordinateur, je me sens mal. Ce n’est pas toujours évident de lâcher prise lorsque l’on est face à ces bêtes-là.

Ce matin, je suis allé dans une association pour les personnes en souffrance psychique dans laquelle j’ai pris quelques responsabilités. Ça me permet de sortir un peu et de voir du monde. Ca fait quelques années que je suis adhérent. Au fil du temps, c’est devenu de plus en plus difficile de créer des liens avec les autres membres de l’association. Il y a bien quelques personnes avec qui discuter mais pour la plupart, les discutions sont assez pauvres. Les gens en souffrances ont besoin qu’on les guide qu’on les materne, c’est humain. Moi aussi je souffre mais comme cela ne se voit pas, il viennent me demander. Je suis fatigué de devoir gérer tout cela. Quand je souffre trop, j’ai envie d’envoyer balader tout le monde. Je veux moi aussi quelqu’un sur qui compter.

Il y a un nouvel adhèrent, il est assez folklorique avec son gant blanc, comme Mickael Jackson, sa veste en fourrure , sa casquette disco et son sac de femme. Il n’est pas méchant, juste un peu agaçant. Il se mêle de tout, coupe les conversations comme un électron libre sans réelle conscience des codes sociaux  que nous nous appliquons tous en société. Par contre, il a de la culture, ça on en peut pas lui enlever.

Je suis un peu fatigué de jouer le rôle du grand frère. J’ai un peu perdu la foi. Depuis tout petit, je vais vers les autres mais là, prise de conscience, je veux penser un peu à moi.

Dimanche matin

joggeur

Dimanche matin je me lève. Tout de suite je me rends compte que ça ne va pas très bien. Mon corps tremble, extérieurement et intérieurement. Faut dire qu’hier je m’étais pris une sacrée dose de benzodiazépine. J’avais envie de planer un peu. Je suis dans le coton. Et puis, il y a cette sensation de ne pas vraiment être là. Ce sentiment de ne pas exister, d’étrangeté quand je me regarde dans un miroir.

Je devais aller faire mon jogging mais je ne suis pas en état. Il faut que je me réveille. Je suis peut-être en train de rêver, je ne sais plus. Je suis seul, aucune personne à qui parler pour me sentir exister.

Vendredi, j’avais été boire une verre avec une amie. Enfin, j’aimerai qu’elle soit un peu plus qu’une amie. Nous étions sur la terrasse d’un café. Assez rapidement j’ai eu des angoisses, la tête qui tourne et le sentiment d’être enfermé dans une bulle avec les gens autours.

Depuis je n’ai pas eu de nouvelles, ce n’est pas bon signe. Je vais lui envoyer un sms, tout à l’heure. Là elle ne doit pas être réveillée.

Mais revenons à ce matin. Même mon corps à l’air « étranger ». Et puis, il y a cette sensation de pesanteur. C’est lourd à porter un corps.

Je commence à me crisper. Il faut que je fasse quelque chose. Dans mon appartement rien ne résonne, pas un bruit. Les voisins doivent être en train de dormir. Dehors les volets des maisons sont fermés. Je suis seul au monde, c’est l’impression que j’ai.

Je rampe vers mon canapé, là je pourrai allumer la télévision. Ca ne remplace pas la présence humaine, ça occupe juste le cerveau pour qu’il ne se pose pas de questions.

Le centre commercial

Rayon supermarché

Hier j’ai été dans un centre commercial pas loin de chez moi. Comme souvent, le monde, l’espace sans fenêtres, provoquent chez moi des angoisses. Je prends de grandes respirations et je serre les poings pour me calmer. Au rayon des produits high-tech, ou je vais régulièrement faire de lèche vitrine, je regarde des produits que je ne pourrai jamais m’acheter.

J’interpelle un vendeur, c’est un homme qui sourit toujours, un peu comme un benêt, c’est l’air qu’il donne. En réalité, j’ai déjà discuté avec lui et il n’est pas si bête que ça. Il est même plutôt sympathique, à sourire tout le temps.

Je continue mon petit tour dans les rayons. Mon champ de vision se trouble, comme le crépuscule qui tomberait. Il est temps que je me sauve. Je vais devenir aveugle ou tout du moins c’est l’impression que j’ai.

J’avance rapidement vers la sortie, en évitant difficilement les caddies et les gens qui les poussent. Mon cœur bat de plus en plus vite.

Heureusement que je ne dois pas m’arrêter aux caisses. Je sors du magasin, je peux enfin regarder le ciel et respirer. J’ai l’impression que je suis passé pas loin de la mort et je me dis que je n’y retournerai plus.

Cependant, quand le frigo vide, ou par challenge, quand j’en ai assez de rester entre mes quatre murs, j’y retourne.

Aujourd’hui tout va bien

Aujourd’hui, je ne souffre pas. J’ai bien deux ou trois idées en tête, comme appeler une amie mais les choses sont un peu compliquées.

C’est une jeune femme que je connais depuis de nombreuses années qui me plait et qui a des souffrances psychiques.

On s’était déjà embrassé mais cinq minutes plus tard c’était fini. Depuis toutes ces années j’avais plusieurs fois essayé de passer plus de temps avec elle. Malheureusement à chaque fois qu’on se rapprochait un peu plus, ça coinçait.

J’avais plusieurs fois abandonné mais elle refaisait un pas vers moi.

Depuis je ne sais plus trop, j’ai décidé de faire un peu comme j’en ai envie, c’est-à-dire de manière confus, un peu comme elle.

Elle n’est pas constante comme femme.

Un jour elle me dit qu’elle a envie de me contacter tous les jours, un autre plus rien.

Je ne sais pas pourquoi je me prends la tête. Heureusement aujourd’hui, c’est le seul truc qui me tourne dans la tête.

Je ne suis pas anxieux, je ne regarde pas l’heure toutes les deux minutes. Ce midi je suis allé manger chez mes parents. J’ai eu droit à une de leur dispute en arrivant et puis ça s’est arrangé. Moi dans ces cas-là je ne sais jamais quoi faire, je reste à distance, c’est mieux, je n’ai pas envie d’être un dommage collatéral. Ca fait jamais plaisir de recevoir une assiette dans la tête alors que l’on y est pour rien.

La journée ensoleillée suit son cours, pas envie de me mettre une balle dans la tête. Si tous les jours pouvaient être comme aujourd’hui. Je serais presque heureux.

Je me pince pour savoir si je ne suis pas en train de rêver.

 

J’ai 35 ans

J’ai 35 ans et j’ai l’impression d’être arrivé au bout. Mon cerveau est contre un mur, il ne veut plus avancer. Plus rien ne veut avancer. Hier j’ai discuté, par sms avec une femme qui me plait bien. Nous nous sommes déjà embrassé mais elle ne voulait pas aller plus loin. Et je ne sais pas pourquoi je n’avais plus envie de mentir. J’avais envie d’être franc, pas par méchanceté mais juste dire comment je la vois, malgré ses illusions d’avoir une vie qu’elle ne pourra jamais avoir. Elle est malade, un peu comme moi et veut devenir prof de math.

Je n’ai plus envie d’être sociable. Dire tout simplement les choses même si cela ne fait pas plaisir. Les autres le font alors pourquoi pas moi ?
C’est comme ce voisin qui me fait la tête et je ne sais pas pourquoi. Je veux aller le voir et lui demander « ces quoi ton problème ». On se croise plusieurs fois par jour en évitant de nous regarder. Je trouve cela chiant, ça demande plus d’effort que juste de nous dire bonjour.

Oui j’avais dit que je ne voulais plus être sociable mais là c’est particulier, ça coute pas cher un sourire.

En fait je n’aime pas trop les conflits mais quand il faut y aller…

Je ne suis pas très clair, tout est un peu confus ce soir, je pars dans toutes les directions. Cela fait plusieurs jours que j’ai envie de me casser la tête à grand coup de bière, suivi d’une nuit éternelle.

Je suis fatigué d’être là. Si ça tombe, je n’ai pas tout compris c’est pour cela que je suis toujours à côté de la plaque. Surement j’ai dû louper l’heure de cours à l’école primaire ou l’on a expliqué ce que tout le monde sait sauf moi. Je suis dans l’ignorance.

Y a-t-il un grand secret ? Dîtes-moi, j’ai l’impression que vous savez quelque chose. Je fais semblant d’être au courant. Je réponds à vos sourires comme un clin d’œil, « oui je sais aussi ».

En fait, je suis paumé. Vous devez surement vous en rendre compte ? Ou alors, tout le monde fait semblant et personne ne sait rien. On est tous des comédiens.

Faut que je regarde si j’ai bien pris mon traitement ce soir.

Derrière la porte de mon appartement

Souffrance, tu me colles à la peau, depuis tant et tant d’années. Tu es comme une femme avec laquelle j’essaie de vivre sans y arriver, sans pouvoir divorcer. Le matin, tu commences, dès le réveil par un frisson de peur, une angoisse, une boule dans le ventre. Avec difficulté j’ouvre les volets pour voir passer des voitures, ce sont les gens qui partent travailler.

Moi, je sais que ma vie, c’est juste survivre. Je vois passer des femmes, des hommes des enfants. C’est la vie qui suit son chemin. Je déjeune en regardant l’heure. Puis petit à petit, je vois la journée défiler. C’est long quand on n’a pas grand-chose à faire. Mais je ne suis pas seul, j’ai avec moi ce mal être, tout le temps.

Il y a quelques moments de joie quand j’arrive à prendre le bus pour aller en ville. Mais fondamentalement, je regarde les mois passer, sans changement. J’arrive à tenir debout, et mettre un pas devant l’autre, c’est déjà ça. J’ai envie d’une famille, de petits enfants pour mes parents. C’est un beau rêve, je ne voulais pas souffrir, je me souviens, je l’avais dit. Et pas de chance, je suis schizophrène. On croit que cela n’arrive qu’aux autres. Surtout, essayer d’occuper son esprit de pensées positives mais d’un seul une angoisse prend le dessus et m’emmène dans un tourbillon de délires tous plus flippants les uns que les autres. Je respire un grand coup, deux ou trois cachets mais rien ne passe. Le médicament miracle n’existe pas. Je regarde par la fenêtre en écrivant ce petit texte et je vois la vie. Je n’y fais plus partie.

Quand je croise des voisins, je dis bonjour, je discute quelques secondes, je souris mais c’est une façade. Derrière la porte de mon appartement je peux enlever mon masque et me torde de douleur.

 

coiffeur

Cet après-midi, je suis allé me faire couper les cheveux. Cela faisait plusieurs mois que je devais y aller mais je n’avais pas trouvé un moment où je n’étais pas angoissé. Bien que pas très loin, aller chez le coiffeur, c’est toute une expédition. Il ne faut pas avoir une crise d’angoisse au moment de se faire laver les cheveux et se sauver en courant dans la rue, dans cet état. Déjà que les gens se posent des questions sur moi. Et puis, il y a ce long moment face à la glace, à se regarder. C’est un exercice pour les narcissiques. Heureusement, la coiffeuse était sympa et je la regardais elle, en essayant d’éviter de croiser mon regard, tout en souriant. C’est dans ces moment-là que l’on peut voir un peu comment l’on est. J’ai croisé deux trois fois, un sourire que j’esquissais quand elle me disait quelque chose de drôle et je me suis dit que ça allait encore.

Je me suis un peu détendu. Elle était marrante, sans vous agresser de question, comme « que faites-vous dans la vie ? », comme l’autre la dernière fois qui voulait à tout prix qu’on échange.

Je voudrais tout le temps tomber sur cette coiffeuse, discrète et efficace. En tout cas ça y est, c’est fait, j’ai une plus belle tête. En rentrant chez moi j’en ai même profité pour me raser et me mettre de la crème sur le visage.

Il suffit de petite victoire dans une journée pour la rendre plus agréable.

Ecrire pour aller mieux

Aujourd’hui, le soleil brille, un mélange d’anxiété et de joie sont au rendez-vous. Malheureusement, je continue à tourner dans mon petit appartement, alors j’ai décidé d’aller marcher une demi-heure.
J’ai dit bonjour à quelques personnes que je connais et puis aussi pris un peu le soleil.

En rentrant chez moi, je me suis dit que d’écrire était aussi une bonne façon de se sentir mieux. En général cela soulage.
Ça fait vraiment du bien de savoir que mes états d’âmes vont être lus. Je ne me prends pas pour un écrivain. Juste une schizophrène qui essaie de trouver des techniques, des méthodes pour souffrir le moins possibles.
Quand j’étais petit je n’aimais pas particulièrement écrire. Quand j’ai créé ce blog, j’étais soulagé après avoir passé une heure à écrire un petit article sans prétention, alors je continue. Malheureusement quand je vais vraiment très mal, je ne suis plus en capacité de me pencher sur un clavier pour raconter ma vie.

C’est dans les moments difficiles qu’il faut faire le plus d’effort pour aller mieux. C’est un cercle vicieux, plus on se sent mal et moins l’on a envie de faire des choses qui pourraient être bénéfiques.

Heureusement pour moi, à cette heure je me sens bien, je précise, il est 10 heures 32 parce que dans une heure les choses pourraient tourner au vinaigre. Mais ce qui soulage le plus c’est de voir du monde, d’avoir des amis, de discuter…

Je voudrais un médicament qui chasse les angoisses qui m’empêchent me confronter aux autres et d’être un peu moins solitaire. Hier, j’ai partiellement raconté à une amie mes angoisses sans dire que j’étais schizophrène. Je ne la connais pas assez. La plupart des schizophrènes ne sont pas dangereux mais étant donné la « publicité » que l’on nous fait à la télévision je préfère me méfier des aprioris.

A cette amie, j’ai juste dit que j’avais peur de m’éloigner trop de chez moi, de la foule et des lieux fermés. Elle a plutôt compris la situation et ne m’a pas jugé.