La réalité est distordue

Plus j’avance et plus mes pensées se plient, mon univers se réduit. Je me recroqueville, je tourne en rond.

Les murs se rapprochent dans mon petit appartement. Mes pensées ne sont plus des lignes droites, elles se ratatinent sur elles-mêmes.

Je n’arrive plus à penser globalement, tout est centré sur ma pauvre carcasse. Les autres n’existent plus. Je suis seul au fond du trou.

Dans la foule, je tombe, je glisse… Je suis seul en plein milieu d’une forêt, la nuit. Des bruits me font peurs, je sursaute. J’ai quitté cette humanité qui nous caractérise.

Je suis loin, les gens me parlent et je n’entends que des échos qui me paraissent venir d’ailleurs. Je n’existe presque déjà plus.

Je regarde si j’arrive encore à marcher, c’est pas compliqué pourtant, un pas devant l’autre. Je ne sais pas où je vais. Peut-être un oasis quelque part ?

Mais c’est une chimère, le seul endroit où je pourrai trouver un peu de repos sera pour l’éternité.

En attendant, je sors les répliques que j’ai apprises il y a bien longtemps. Je vois que les gens ne sont pas dupes. Toutes mes phrases tombent à contre temps, comme un robot défectueux.

 

La vie en hôpital psychiatrique

Rentrer dans un hôpital psychiatrique sous contrainte par la grande porte est toujours une épreuve.

Pour ma part, j’y ai été mis de force, emmené par mon père et deux de mes oncles médecins.

La route dans la camionnette de mon père, encadré par mes oncles, fut horrible. J’ai cru que j’allais finir ma vie la bas. Je me voyais déjà dans une chambre capitonnée, la bave au menton sous l’effet de puissants calmants.

Une fois arrivé, face à la psychiatre responsable des admissions, j’ai essayé de rassembler le peu de lucidité qui me rester.

C’était perdu d’avance mais j’ai quand même tenté de me défendre.

Quelques minutes plus tard, je fus admis dans le pavillon cinq qui regroupait tous les malades de mon agglomération.

Je fus accueilli par une infirmière qui me rassura en me parlant avec une voix douce et en me tenant un discours pas trop infantilisant. Elle devait avoir du métier.

Puis, on m’a laissé faire les cents pas dans cet espace qui comprenait une grande salle, une véranda, un petit jardin et à l’étage, les chambres.

Mon premier réflexe fut de vouloir sortir. Il n’y avait qu’une porte en verre pour retrouver la liberté mais je commençais déjà à me sentir bien. En tout cas, mieux que dans la maison familiale ou la vie était infernale. De toute façon je n’avais nulle part où aller, j’étais en pleine campagne.

Je prenais possession des lieux. Les gens n’étaient pas plus étranges que moi mais personne ne disait rien.

Je commençais à aimer cet endroit.