Le chat

chatLe matin est frais. Je n’ai croisé que des volets fermés en allant nourrir le chat de mes parents partis en vacances. Pourtant, il faisait jour, le ciel était même bleu. Il était 8 heures et je n’ai pas vu de voitures.

Je suis peut-être dans un mauvais trip, un délire…  Normalement quand on hallucine, on voit des choses en plus et pas en moins ? Enfin voilà, vers 10 heures je vais aller à mon association de patients en souffrance psychique.

Je regarde par la fenêtre et je vois passer quelques véhicules. Je ne suis pas le dernier humain sur terre, c’est rassurant.

Tout à l’heure à l’association, je verrai des personnes semblables à moi, qui ne savent plus trop s’ils sont dans le monde réel ou dans un délire.

Il m’arrive quand je suis seul trop longtemps, d’avoir le sentiment d’être mort et de continuer à naviguer dans le monde, sans que personne ne s’aperçoive de ma présence. Ça me provoque des angoisses.

C’est dommage, le ciel se couvre et le soleil disparait. J’ai froid… Le silence dans mon appartement est absolu ou presque. Il n’y a juste que le bruit du ventilateur de mon ordinateur et le bruit du réfrigérateur, par intermittence.

C’est plus facile de discuter à son smartphone que de trouver des gens à qui parler. A l’association tout à l’heure, j’espère que Jacques sera là. Il a tout un univers à lui. Il est Intelligent avec beaucoup de culture. Il est cependant assez touchant à ne pas savoir se servir d’une machine à café ou en dépensant tout ce que sa curatelle lui donne, en vêtements et bottes même si après il n’a plus assez d’argent pour se payer autre chose.

Ma famille revient demain de vacances. Cela me remonte un peu le moral. Je vais pouvoir me décontracter un peu.

Le bus

busAujourd’hui j’ai réussi à sortir. J’ai même pris le bus malgré le monde. A l’intérieur des transports en communs, dans cette ville moyenne, la population est plutôt défavorisée. Les gens sont de toutes les origines. Pour passer le permis de conduire voiture, il faut sortir une grosse somme d’argent et acheter le véhicule…  Bref, nous sommes les français les plus nécessiteux, entassés pour de longues minutes, à devoir attendre que l’autocar veuille bien nous ramener chez nous.

A l’association de patients en souffrance psychique, une pauvre adhérente sous tutelle, vit depuis deux jours sans électricité. Elle était assez énervée et hurlait dans le téléphone à la directrice de la structure qui gère son argent et ses papiers. J’en aurai fait de même.

C’était la rentrée après deux semaines de fermeture et les adhérents étaient bien contents de retrouver un lieu convivial pour échanger, sortir de leur solitude et régler leurs problèmes administratifs…

C’est incroyable, le nombre de personnes qui à un moment de leur vie sombrent dans la dépression ou folie. Nous avons dû appeler les pompiers. Une dame était venue après avoir avalé une boite complète d’anxiolytiques. Elle a eu droit à un lavage d’estomac à l’hôpital.

Ça m’a quand même fait du bien de revoir tout ce beau monde. Je me sens à l’aise dans cet élément et lorsqu’il y a des crises à gérer. Les maladies psychiques peuvent anéantir les personnalités les plus fortes. Une autre femme était en pleur et voulait revendre sa maison parce qu’elle n’était plus capable, depuis plusieurs semaines, de s’en occuper. Elle avait le visage pâle et les traits tirés, à force de passer ses jours et ses nuits dans son lit, en entassant la vaisselle sale et les poubelles.

Il était temps que les vacances se terminent. J’ai pu, avec l’animatrice, remonter le moral de chacun.

Prison

prisonJe me suis réveillé à 5 heures du matin. Cela fait  quelques heures que je tourne en rond dans 45 mètres carrés. Mes parents sont partis il y a quelques jours. Je ne sors pas beaucoup de chez moi. J’ai l’impression d’être en prison, sauf que c’est mes peurs qui m’imposent cette peine, sans sursis.

Hier ma psychologue à domicile est venue, c’est une comportementaliste, une petite jeune assez sympathique. Nous nous asseyons sur la table ou je mange habituellement et nous commençons l’entretien. Les discussions sont focalisées sur mes angoisses. Le but est de les affronter, c’est une sorte de rééducation. Elle est très consciencieuse et comprend assez bien la situation dans laquelle je me trouve. Je suis toujours impressionné par les personnes qui ont faits de longues études. Son écriture est claire, comme son intellect et ses propos. Nous communiquons assez facilement.

Une fois qu’elle est partie, une force intérieure m’anime pour quelques heures.

Le soir, après une douche bien chaude, je m’affale dans mon canapé. Le traitement que je prends est assez fatiguant et je ne tiens pas bien longtemps avant d’aller me coucher, vers 19h30. C’est pour cela que je me lève de si bonne heure. Souvent, il fait encore nuit noire. Je n’aime pas trop ces moments-là.  Dehors, il n’y a personne dans les rues et les maisons sont éteintes. Seuls les lampadaires, éclairent quelques mètres carrés d’une pâle lumière.

Ce soir, il faut que je tienne plus longtemps. Je ne pendrais pas d’anxiolytique. En tout cas, pas plus que prescrit par mon psychiatre. Cela fait un bout de temps que je ne l’ai pas vu. Cela me fait des vacances. Il doit être sur une île paradisiaque, en train de prendre du bon temps. Il ne me manque pas vraiment. Les séances étant chronométrées à 20 minutes, je n’ai pas beaucoup l’impression d’avancer avec lui. Il se contente d’acter les faits et me parle dans un français compliqué. Il n’est pas très accessible. Je préfère ma psychologue.

Angoissant

angoissantC’est un peu l’angoisse aujourd’hui. Le soleil chauffe, j’ai été obligé de prendre une douche fraiche. Cela m’a donné un bon coup de fouet. Mes parents sont à plusieurs centaines de kilomètres, pour une semaine. Je me retrouve seul face à moi-même. C’est très angoissant. Je suis dans un grand silence ou seul le bruit du vent sur mes portes fenêtres ne me rappelle à la réalité. J’ai parlé à mon voisin mais ce n’est pas pareil.

Je tourne en rond et j’essaie de passer le temps comme je peux. La nature a horreur du vide et je m’en rends compte aujourd’hui. Je suis très proche de ma famille.

Que faire pour aller mieux, je n’ai pas trop d’idées. Je regarde en boucle à la télévision, les mêmes informations, mais le temps ne passe pas plus vite. Je prends des Temesta, pour faire redescendre la pression. Associés aux exercices de respiration cela donne quelques résultats.

J’attends le soir avec impatience. Que le soleil se couche tranquillement et que je n’entende que le bruit des grillons pour le croire en vacances et que mon organisme ne commence à se détendre.

En attendant la nuit, j’essaie de mettre dans ma tête des idées positives. Souvent mon cœur s’accélère et je pense à tous ces jours que je vais passer seul. Il faut que je relève la tête. Par la fenêtre je vois un petit couple de personnes âgées dans leur jardin. Le mari est vouté par les années et commande sa femme qui n’entend pas se laisser faire. Ils ont l’air heureux et profitent eux aussi de l’été. Je suis comme au théâtre.

Demain c’est dimanche. La journée risque d’être clame et ennuyeuse. C’est tout le drame, il y a tellement de monde autour de moi mais aucun ami avec qui je pourrai me sentir moins seul.

Isolé

isoléDe nouveau, mes parents repartent en vacances. Je vais me retrouver d’avantage isolé, coincé chez moi par mes angoisses. Cela me fait peur et le corps tout entier me le rappelle. J’ai fait quelques exercices de respiration pour aller mieux.

C’est incroyable, à ce point, que les symptômes associés à la schizophrénie comme l’anxiété peuvent être handicapants.

Depuis peu, je fais appelle à une psychologue comportementaliste, à domicile. Nous avons rendez-vous lorsque mes parents ne seront pas là. Je dois arriver à reprendre le bus même en l’absence de ma famille.

Je suis terrorisé par beaucoup de choses. Les pensées négatives tournoient dans ma tête et ne me laissent aucun répit. C’est comme un symptôme post traumatique, alors que je n’ai fait aucune guerre.

Je mène un combat contre ma psychose. Elle ne me laisse que très peu de répit. Elle m’a quand même fait exploser à deux reprises et a créée des « failles ». Je n’ai plus la même confiance qu’avant ces épisodes.  L’esprit humain ne peut pas faire de trop grands écarts et passer par des phases trop extrêmes sans en garder des séquelles. Du coup, je suis cabossé et fragile. Il y a des « lésions » qui ne se referment pas…

Je regarde les autres vivre pour tout ce que je ne peux pas faire. C’est assez démoralisant.  Je commence à vieillir. Les autres sont en couples, ont des enfants, un travail et une maison…

Moi, je suis trop angoissé pour vivre seul, loin de ma famille. Que fait la science ? Si les êtres humains avaient passé leur temps à investir dans la santé, l’éducation et la science au lieu de faire la guerre, le monde serait bien diffèrent. Quel gâchis !!!

J’espère au moins que la semaine sera ensoleillée, que le soleil m’obligera à prendre des douches fraiches régulièrement, pour me donner un petit sentiment de vacances.

Le soleil

le soleil
le soleil

Quelques jours heureux en famille. Le soleil, une terrasse et des proches, quoi de mieux après une longue période de solitude et de souffrance.

Cela tranche avec mes articles précédents mais ce soir je me sens bien. Déjà le repas du midi à la maison de retraite de ma grand-mère avait été « sympathique ». Une sorte de calme et de sérénité m’avait envahi. C’est assez exceptionnel pour le souligner. D’habitude mon mal être ronge mes relations avec les autres et me rend hautement irritable, mais pas ce midi.

Ce n’est pas une guérison, juste un répit que la schizophrénie m’accorde. Je ne sais pas quelle molécule a pénétré mon cerveau et mon corps mais je veux la même en injectable.

J’essaie de profiter au maximum de la présence de mon père, comme le soleil. Il a toujours était là pour me soutenir, même dans les moments les plus difficiles. Il ne m’a jamais abandonné.

Dehors le soleil  un peu fort, sèche rapidement le bitume après de fréquentes averses. Ce matin, je suis retourné à mon association de patients. J’ai repris mes petites habitudes. Mois d’août oblige, nous n’étions pas très nombreux, mais suffisamment pour bien rigoler. Jacques, toujours exubérant, est attachant finalement. Il se fait remarqué partout où il va. Il est un peu décalé avec ses vestes en peau de léopard et ses cheveux longs. Il a une grande intelligence sociale, même si pour le quotidien il a besoin des autres. C’est tout le drame de ce genre de maladie.

C’est rare, comme ce soir, que je me dis que la vie vaut d’être vécue. Malheureusement, je sais que ma pathologie va me rattraper. Tel un cerbère, je ne serai jamais tranquille.  Je connais trop bien les enfers que la vie peut parfois nous imposer. Je vais donc savourer cette jolie soirée.

Famille

Ma famille rentre aujourd’hui de vacances. Je ne serai soulagé que quand je pourrai leur parler. Cela fait une semaine que je suis assez seul. Je n’habite plus chez eux mais ils sont importants pour mon équilibre et vivent près de chez moi. Je vais pouvoir retourner à mon association de patients et prendre le bus. Quand ils ne sont pas dans le secteur, je n’y arrive pas.

Je me sens mal, j’ai l’impression d’être une marchandise sur un quai de gare, qui voit passer les trains. J’essaie de toutes mes forces de me relever mais c’est trop dur. C’est la tête qui ne veut plus suivre, elle me harcèlefamille constamment. Et puis le corps aussi, il veut couper la tête. Tout est à l’envers.

La souffrance se distille lentement dans mon organisme. Je ne sais plus quoi faire. Tout à l’heure j’irai me boire quelques bières. C’est un moyen pour se sentir mieux et encore uniquement si je vais me coucher après. La descente est un vrai clavaire.

Cette semaine sera plus intéressante. Je vais pouvoir côtoyer un peu plus de monde. En même temps je veux aller mieux depuis tellement d’années. Je n’y crois plus, en la guérison et au bonheur. Je vais devoir porter mon fardeau jusqu’au bout.

La schizophrénie est une maladie honteuse. On peut le dire. J’espère juste avoir de temps en temps de bons moments, pour me dire que ma vie aura valu le coup d’être vécue. Je garde des rêves, secrètement.

Et puis je veux mourir vite, sans souffrir. Sans voir venir la grande faucheuse. Le vent se lève, quand viendra la nuit, enfin je pourrai véritablement arrêter d’avoir mal.

Le soleil le matin me donne encore un peu de satisfaction, assez vite dissipée par mes premiers délires. Puis la journée s’étend, interminable… Je compte les heures, les minutes…

Je suis présent, sans vraiment être là, occupé à me battre contre mon mal être.

Vacances

vacancesCela va faire une semaine que je suis seul. J’ai pu quand même manger avec ma sœur ce midi. Le reste de ma famille est partie en vacances. Je ne suis donc pas beaucoup sorti. Mes angoisses grandissant chaque fois que je m’éloigne de plus d’un mètre de chez moi.

Je n’ai presque parlé avec personne, mis à part ma psychologue à domicile. Ça m’a fait un bien fou. Malheureusement elle ne peut pas venir tous les jours.

Le ciel est triste, un peu comme moi. Je n’ai plus de motivation. J’ai envie de tuer cette maladie, la schizophrénie, qui me fait souffrir depuis tant d’années. Elle est incrustée en moi et me colle à la peau. Je ne sais pas comment m’en débarrasser. Je n’arriverai pas à modifier mes gènes tout seul et encore ce n’est qu’une partie du problème.

Pourquoi, tout m’effraie et dans ma tête, des scenarios délirants tournent en boucle. Je suis constamment à 6 sur 10 sur une échelle de souffrance. Les bons moments arrivent parfois, après la douleur.

Demain matin, j’espère avoir la force d’aller faire quelques courses. Je marcherai la tête basse pour ne pas trop regarder les gens dans les yeux et puis très vite je rentrerai chez moi.

Je suis fatigué de vivre ainsi, dans la terreur que mes pensées m’imposent. C’est un trop lourd fardeau.

Mon corps ne me laisse pas de répit non plus. Il se cabre, il ne me supporte plus.  J’aimerais être apaisé, calme, joyeux et dynamique. Plus je regarde les autres, plus j’ai l’impression d’être une anomalie et plus je m’isole. Je ne pourrai pas toujours sourire pour donner le change.

Il n’y a pas de bouton stop. Je ne peux pas faire une pause. Je suis obligé de continuer à vivre et souffrir.

Pourquoi c’est tombé sur moi ?

2.5 mg de Temesta

temestaTrois jours que je n’ai eu aucune discussion de plus de trente secondes avec quelqu’un. Je viens de prendre 2.5 mg de Temesta, j’ai un peu la tête qui tourne. C’est une grosse dose, même pour moi.

Ma famille est partie en vacances. Je ne sors plus donc de chez moi, trop angoissé. Je vais juste m’occuper de leur chat. Il est toujours content de me voir et frotte sa tête contre ma jambe. J’en ai assez de cette vie de reclus ou mes déplacements sont très limités.

Je peux contempler l’inutilité de mon existence. Quand j’étais délirant je me prenais pour Dieu. Je souffrais beaucoup alors je ne veux revivre ces moments même si je me pensais important.

J’étais aussi, très euphorique alors qu’aujourd’hui je suis assez apathique. Cela fait plusieurs années que je suis aussi nerveux qu’un limasse.

Quelque fois, je me dis que si les hommes avaient mis autant d’énergie à faire la guerre qu’à trouver des solutions pour guérir les maladies, comme la mienne, je ne serais peut pas comme cela.

J’ai essayé de puiser au fond de moi la force pour rebondir, sans résultats.  J’ai déjà entendu des histoires de schizophrènes qui arrivent à avoir une vie normale. Cela laisse rêveur…

De mon côté j’essaie juste d’atténuer les souffrances. Mon psychiatre a autant de compassion qu’un gardien de prison. Trop habitué à entendre les gens se plaindre, des fois il sourit.

Je n’ai plus confiance en tous ces médecins. Ce n’est pas le premier qui se comporte de la sorte. Je suis un peu énervé.

Ils savent qu’ils ne peuvent pas faire grand-chose. Juste toucher les 60 euros de la consultation.

C’est une véritable cash machine pour eux. Je suis épuisé de ce système. La bible c’est les médicaments, c’est tout ce qu’ils savent faire.

J’en avale neuf par jour. Je fais marcher les pharmaciens, les laboratoires et les médecins qui vivent grassement.

Mon quartier

quarierDeux jours que je n’ai pas discuté avec quelqu’un. Juste deux ou trois bonjours en sortant dans la rue dans mon quartier. Je commence à trouver le temps long. Hier, au creux de l’après-midi, j’ai dû me coucher tellement j’étais mal. Heureusement ça n’a pas duré.

Je vais voir si cet après-midi, je peux passer voir un ami qui habite à 200 mètres. Je vais lui envoyer un sms.

La pluie a remplacé le soleil. Le bitume au sol est luisant et le ciel est démoralisant pour ceux qui veulent bronzer. Ce n’est pas vraiment la plage.

Quelques heures plus tard, après avoir contacté deux amis indisponibles, je suis toujours seul. Ça va durer encore quelques jours avant que ma famille ne rentre de vacances.

Je n’ai plus la force de prendre le bus le matin et aller à mon association de patients. La schizophrénie m’aura bien gâché la vie. Je suis vraiment passé par tous les stades. D’abord des délires puis un repli sur soi, une perte d’autonomie et une incapacité à quitter mon domicile…

Quelles nouvelles difficultés me réservent l’avenir ? Je ne suis pas très optimiste, à moins que la recherche en santé mentale ne fasse un bon de géant.

Ma nouvelle psychologue m’a prescrit des exercices de respiration et deux activités qui me font du bien par jour.

Je mets en place ses conseils même si trouver des choses qui me font plaisir n’est pas si facile. Peut-être boire une bière au soleil…

Au moins aujourd’hui, je ne souffre pas trop mais la journée n’est pas terminée. Hier, j’ai voulu regarder un film de science-fiction et je ne sais pour qu’elle raison, j’ai du arrêter et me mettre dans mon lit.

J’ai hâte que la journée se termine. Que je puisse fermer les volets et me couper du reste du monde, puisque de toute façon, je n’arrive pas à être au diapason avec lui.