Un nouveau thérapeute

A la recherche d’un nouveau psychiatre. Pas facile de trouver un bon thérapeute, en éliminant ceux orientés trop  psychanalytiques et ceux dans le même immeuble que mon ancien. Heureusement, j’ai un stock de médicaments pour tenir deux mois au plus.

Je suis content de repartir avec une nouvelle personne, plus à l’écoute et plus humaine je l’espère.

La semaine débute plutôt bien.  Le soleil est paisible et je vibre avec lui. Hier matin, pour me changer les idées, je suis parti courir une heure. Je me suis étonné, c’était une vraie promenade de santé.

Le dimanche est malgré tout un jour assez dur. J’ai pas mal angoissé l’après-midi. Le vide de l’inactivité fait souffrir les schizophrènes et la maladie nous rend apathique. C’est un cercle vicieux. A 19 heures, n’en pouvant plus, j’ai pris des anxiolytiques pour me coucher.

Heureusement ce matin, j’ai eu pleins d’activités dans mon association. J’ai pu retrouver toute ma petite bande d’amis, même si affectivement, j’ai un peu de mal à faire confiance au gens.

Par la fenêtre ouverte de mon appartement, je sens l’air chaud arriver. Je me sens vivant, en contact avec le monde qui tourne et pour une fois, j’ai l’impression de tourner avec lui.

Je ne me suis pas abrutit d’actualité en continu. Tout à l’heure, j’irai prendre une douche et je me mettrai dans mon canapé pour attendre la nuit.

Le bruit de la vie descendra doucement, les gens rentreront chez eux et je profiterai de ce moment de calme.

Malheureusement, au moment de me mettre dans mon lit, les angoisses viendront cogner mon crane. Les scénarios catastrophes sont mes berceuses et fréquemment la nuit, je me réveillerai en sueur. Il parait que c’est les neuroleptiques qui font faire des cauchemars.

Pour l’instant, il fait encore jour et je tiens bon.

J’ai viré mon psychiatre

viréCela faisait 16 ans que je voyais mon psychiatre, toutes les trois semaines. Une routine c’était mise en place. En montant l’escalier conduisant à sa salle d’attente, mon cœur s’accélérait, j’avais une angoisse.

En l’attendant, je réfléchissais à ce que j’allais lui dire et ce qu’il allait me rétorquer. La porte s’ouvrait, il me serrait la main en me faisant entrer dans son bureau.

Tout de suite, j’étais mal à l’aise. Il ne montrait aucune émotion face à mes souffrances. Il se contentait de réfléchir, de me regarder et de parler dans un langage pas toujours très clair. Malgré les phrases dures qu’il me disait, je l’écoutais comme le messie. En sortant de l’entretient, j’étais toujours profondément démoralisé.

La première rencontre avait eu lieux suite à ma première crise de schizophrénie aigue. J’étais complètement détruit, au fond du trou et je cherchais désespérément une main pour m’aider à remonter. J’avais passé trois jours dans un hôpital psychiatrique et j’y étais ressorti sans aucun traitement ni recommandation du personnel. J’avais donc quand même décidé de voir un psychiatre en libéral. Un peu au hasard j’avais pris rendez-vous avec lui.

Je n’étais jamais rassuré et il n’était jamais compatissant… Au fil du temps, une emprise psychologique c’était mise en place. J’étais dépendant.

Depuis quelques semaines, je faisais venir chez moi une psychologue. J’ai pu me rendre compte de la différence de traitement. Elle est bien plus humaine, précise et claire. Lorsque nos entretiens sont terminés, je  me sens mieux.

Vendredi donc, lors de mon rendez avec mon psychiatre, je lui ai expliqué mon malaise. Il s’est vexé. Rapidement je me suis levé, suite à une dernière provocation de sa part et je lui ai dit d’un ton autoritaire que nous allions en rester là.

Je lui ai payé sa consultation et je suis parti. Il m’a souhaité bonne route, un peu hagard.

Le matin en me levant

Mourir, vivre et recommencer, c’est un peu le sentiment que j’ai le matin en me levant. J’ai quand même eu la volonté de faire le ménage aujourd’hui. Ce matin, dans le bus pour aller en ville, les scolaires étaient de retours. Ca piaillait dans tous les sens, avec des jeunes, heureux de retrouver leurs camarades.

Moi je me mets si je peux dans le fond du bus et je regarde les actualités sur mon smartphone. Je jette un coup d’œil de temps en temps pour voir les nouvelles têtes.

Quand une angoisse monte, je fais des exercices de respiration. Demain, j’ai rendez-vous avec ma psychologue à domicile. C’est elle qui m’a appris ces techniques.

Elle veut déjà que je m’inscrive dans une association, dans le secteur où j’habite. Je suis un peu retissant. Souvent les activités sont le soir et avec mon traitement, je suis ko à 20h00.

En plus le soir, il n’y a plus de bus et puis ça m’angoisse.

Je suis en marge de la société, c’est indéniable. Bourré de peurs, je n’ai plus de vie sociale depuis des années. Je n’ai plus la volonté de me faire des amis, ni de participer à des activités. Je fuis tout engagement.

J’avais fait un peu de théâtre, le soir, malgré le traitement. Deux jours avant la représentation, j’ai déclaré forfait. Ca a mis une belle pagaille et je ne me suis pas senti bien du tout, vis-à-vis du groupe.

Aujourd’hui, je me sens comme un vieillard qui aurait passé les bonnes années et attendrait la mort.

Je n’ai plus trop d’espoir d’amélioration de mon état de santé. Je fais une croix sur un grand nombre de choses. Je n’ai que 36 ans pourtant.

Je me suis battu contre la maladie, la schizophrénie, mais aujourd’hui, je ne croyais jamais dire cela un jour, « elle a gagné ».

Allumer et éteindre la télévision.

télévisionRien envie de faire cet après-midi. Je suis complètement apathique. En même temps, je ne me sens pas mal, c’est déjà ça. Je passe mon temps à allumer et à éteindre la télévision. Je tourne en rond. Dehors, il n’y a pas grand-chose à observer. Une voiture passe parfois.

Il y a une semaine, mon psychiatre, un peu bousculé par l’annonce de la visite à mon domicile d’une psychologue comportementaliste, s’est décidé à me proposer un nouveau neuroleptique. Maintenant que je parle à cette psychologue, je me rends compte aussi, qu’elle est beaucoup plus claire dans nos échanges. Je vais peut-être prendre mes distances avec mon psychiatre et me contenter de sa prescription de médicaments, une fois par mois.

A cette heure, écrire me fatigue beaucoup. Il faut que je me concentre et si je m’écoutais, j’irai me mettre dans mon canapé. Les minutes interminables, dans le silence assourdissant de mon appartement, ne sont pas propices à mon dynamisme.

Il faut que j’aille faire la vaisselle. C’est comme si l’on me demander la lune. Il faut aussi que je mange ce soir. Ça va être du vite fait, salade de tomates avec du riz. Je culpabilise quand je mange trop gras, avec mon traitement, je peux facilement prendre du poids. Et puis c’est tellement plus facile de ne pas manger quand on est tout seul.

A part ma cigarette électronique et la télévision, je ne fais pas grand-chose. Je bois beaucoup d’eau, pour dessécher ma bouche, qui devient vite pâteuse à cause des médicaments.

J’ai l’impression que le monde tourne et que je passe à côté de choses importantes, pour plus tard ne pas avoir de regrets. En même temps, ici chez moi tout seul, je me sens en sécurité. Il me faut tellement d’efforts, juste pour sortir dans le hall de mon immeuble.

Grande souffrance un jour, sérénité le lendemain

Matinée ensoleillée. Hier en grande souffrance, j’étais dans mon canapé à attendre que la nuit vienne me chercher. J’ai fait aussi de nombreux allers et retours chez mes parents, ne sachant plus comment retrouver un peu de bien-être. Le temps finit toujours par passer que l’on souffre ou non. Vers 20 heures, n’en pouvant plus, j’ai déclaré forfait. J’ai fermé les volets de mon appartement et je me suis couché.

La souffrance psychique prend tout entier un individu, de l’esprit vers le corps. Il faut s’accrocher quand on est avec les autres. En effets, chaque mot devient une agression. Il m’est déjà arrivé de m’enfermer dans les toilettes, pendant de longues minutes, pour ne pas exploser complètement.

Aujourd’hui ça va un peu mieux. Je peux marcher dans la rue. Ce qui n’était plus possible il y a quelques années, lorsque je n’avais pas de traitement.

J’étais ce midi chez mes parents. Ils se disputent de temps en temps. Mon père est vite bougon et ma mère connait par cœur ce qu’il faut lui dire pour l’énerver. C’est un petit jeu entre eux. Ils forment cependant un couple exceptionnel.

Par la fenêtre, je vois un autre couple dans leur jardin. Ce sont les voisins. Je ne les connais pas trop. Ils sont plus âgés que mes parents. Le mari est bossu et plus diminué que sa femme. Malgré tout, il ne veut pas se laisser materner par cette dernière. Il sent bien qu’il a besoin d’elle et cela l’agace encore plus. Du coup, il parle plus fort pour se donner de la contenance.

Demain dans le bus, je retrouverai élèves de retour à en cours, après deux longs mois de vacances. Je m’amuse à les regarder de loin, pour savoir comment sont les jeunes de nos jours…

A l’association, les adhérents sont aussi revenus en force. Je me sens à l’aise dans ce local qui est pourtant à 20 minutes en bus de chez moi.

La musique me rendait fou

la musique me rendait fouJournée plutôt intéressante. J’ai pu ce matin passer en toute cordialité un bon moment à mon association de patients, en souffrance psychique. Il y a parfois des cris et des pleurs mais le contact humain reste ce qu’il y a de plus important, dans cette structure. Nous échangeons autours d’un café ou d’une activité. Je me sens dans mon élément.

J’aime parfois gérer les crises lorsque mon état le permet. Je suis le président de cette association. Nous n’avons pas connu d’actes de violence physique depuis la création de l’association, il y a quelques années.

Cet après-midi, je suis plutôt zen. De retour chez moi, je me suis mis un peu de musique. Depuis que je suis stabilisé, je ne suis plus envahi par des émotions qui provoquaient des délires. J’arrive à les maitriser. La gradeur d’une symphonie ne me provoque plus l’envi de changer le monde. C’était frustrant une fois la musique arrêtée. Je me contente de privilégier les relations avec mes proches et de balayer devant ma porte.

Je m’étais mis trop de pression sur les épaules, et la maladie avait rendu cela « délirant ». Je voulais conduire une Porsche, je me contenterai de prendre le bus.

Je ne renonce à rien, je suis toujours heureux de croiser une dans la rue une belle sportive. Bien sûr si vous avez le ticket gagnant à l’euro million, vous pouvez m’en faire don, si vous n’en voulez pas. L’argent c’est que des ennuis, c’est juste pour votre tranquillité. J

Demain, ça va être un weekend en famille. Quelques bières samedi soir pour l’ivresse. Il ne me manque rien pour être heureux aujourd’hui.

Demain, je serais peut-être en grande souffrance, sans savoir pourquoi. Mon corps et mon esprit diront qu’ils ne sont pas contents. Avant, je culpabilisais, je me disais que j’avais dû faire quelque chose de mal. Il n’y a pas forcement de raison à tout ou alors c’est au-dessus de mon état de conscience. Je ne peux donc pas y faire grand-chose.

Un vaccin contre la schizophrénie

ermite-1J’ai envie de tranquillité. Dans un monde au beaucoup veulent leur quart d’heure de célébrité, je préfère rester anonyme dans la foule. J’ai éteint la télévision qui montre des voitures que je ne pourrai jamais conduire… La schizophrénie me fait me conduire en ermite. Ce n’est pas vraiment un choix. J’ai passé de longues heures face  à moi-même. Je n’y est rien découvert d’extraordinaire. J’ai juste vu en face ma folie. Elle s’est accrochée à moi comme un parasite.

Aujourd’hui, je peux marcher dans la rue et je suis sorti de ma chambre, dans laquelle mon cerveau a produit des pensées les plus folles les unes que les autres. La vie était devenue impossible. Je serais sans doute mort de soif ou de faim si mes proches n’étaient pas intervenus.

Ma conscience n’était plus là. Je ne pouvais plus croire que je redeviendrai un jour stabilisé. C’était trop d’émotions intenses, trop de souffrances. Je pensais finir mes jours dans un hôpital psychiatrique.

Le parasite est toujours là mais les médicaments arrivent à le contenir pour qu’il me laisse un peu tranquille. Bien sûr, je suis toujours handicapé par des dizaines d’angoisses mais je peux regarder quelqu’un et discuter avec lui sans qu’il ne se rende compte de rien.

J’ai connu la destruction de toute pensée cohérente. Ma chambre était devenue une prison. Je pensais être « mort », que c’était trop tard et trop grave pour revivre après cela.

Je suis quelqu’un d’unique. La schizophrénie pour ceux qui en souffrent nous rendent semblables. On nous range dans le même bac, avec nos symptômes…

Je veux garder ma part d’humanité et de libre arbitre le plus longtemps possible. Pas pour le regard des autres, mais pour moi-même.

La schizophrénie est le collera qui décime des familles entières. Deux de mes tantes en souffrent.

Il faut trouver un « vaccin » contre cette maladie.

Femme

La solitude affective me pèse. Cela fait un bout de temps que je n’ai pas touché les courbes d’une femme, ni passé de longues heures en tête à tête. Je ne suis pas très doué dans l’art de la séduction et mon physique est quelconque. En plus de cela, comme je reste la plupart de mon temps dans mon appartement.

Malgré tout comme tout le monde j’ai des désirs. Un moment j’ai tenté de rencontrer une femme via internet mais le monde virtuel est frustrant. Passer des heures à discuter sur un clavier pour au final ne pas pouvoir se déplacer au rendez-vous parce que je n’ai pas le permis de conduire est frustrant.

Cela fait de longues heures que j’erre dans mon appartement, sans télévision ni radio allumées. Je me retrouve face à moi-même. Cela fait du bien. Je suis plutôt zen. Le silence est parfois nécessaire lorsqu’on est soumis sans arrêt aux stimuli extérieurs. Pas de publicités pour du gel douche avec des femmes presque nues ou pour des sites de rencontres ne viennent me rappeler que je suis seul. Je me contente de boire de l’eau pour clarifier mon esprit.

J’ai juste envie de voir un horizon dégagé. Etre sur une dune à la plage et voir le soleil se coucher, par exemple.

Faire le vide, être heureux d’être seul pour réaliser qu’on peut arrêter de tourner et tourner encore, dans un monde qui n’est pas fait pour moi ou qui va trop vite.

Je n’ai plus envie de jouer. Je veux être encore quelques instants en apesanteur et ne rien faire qui pourrait perturber cette méditation.

Je me contente des gestes minimums. De temps en temps, un regard par la fenêtre et ne rien voir bouger. Le réfrigérateur se met en route est cela m’agace. Je veux me rapprocher de la mort cérébrale.

Existence

Je me sens mal. Dans ces moments-là, j’ai envie de mettre un terme à mon existence que je considère comme sans intérêt. La pluie délave un peu plus ce qu’il me reste comme volonté d’aller vers les autres. Le soleil est parti pour quelques jours. Je ne fais plus rien ou juste regarder la télévision.

Je viens de voir mon psychiatre ce matin et je me sens encore moins bien. Peut-être faudrait-il que j’en vois un autre ?

Je n’ai plus d’espoir, juste la certitude que la vie est profondément injuste. Tout ce que je touche se transforme en plomb.

C’est incroyable comme les choses peuvent ne jamais se passer comme on le souhaite. Toujours des frustrations et à la longue, ça donne un grand coup dans le moral.

J’ai vraiment besoin de prendre des vacances. Je n’ai plus assez de force pour accepter cette situation et en même temps je ne peux pas faire autrement que de la vivre ou la subir plutôt. Je tremble de partout. Je n’ose plus tenir un couteau dans la main.

C’est cet instinct de survie qui fait de la résistance. Il est là, à me dire que ça va aller mieux alors que moi je sais que c’est un mensonge, juste pour gagner encore un peu de temps.

De toute façon on finit tous dans un trou. Il faudrait que j’arrête d’entendre cette petite voix intérieure qui dit que tout va bien. Ma situation est dramatique et il faudrait que j’en prenne conscience.

Je n’ai plus la force de taper sur le clavier. Hurler ne sert à rien. J’ai fermé la porte de mon appartement et je ne veux parler avec personne. C’est trop dur, je serai encore capable de jouer la comédie, de sourire comme si tout aller bien et surtout pas me plaindre.

Je suis comme cela, trop orgueilleux pour montrer l’entendu de ma souffrance. Je vais rester un pauvre type, seul.

Ma grand-mère

grand-mèreLe soleil et le vent propagent une chaleur qui me remonte le moral, après des jours mitigés. J’étais sur la terrasse avec mes parents et ma grand-mère. Nous avons partagé le repas du dimanche midi ensemble. Cette dernière, fortement diminuée du haut de ses 96 ans, est encore capable de râler lorsqu’on l’infantilise un peu trop. En même temps, ce n’est pas facile de savoir lorsqu’elle a besoin d’aide ou non. Elle ne sait plus faire grand-chose, à par tenir sa vieille carcasse et se plaindre. On ne dit rien, elle a le privilège de l’âge.

Régulièrement, elle demande l’âge du chat ou ce que je fais dans la vie. On lui répond toujours la même chose. Elle est placée dans une maison de retraite et est heureuse le weekend, de venir chez mes parents profiter du jardin. Elle a toujours été un peu dure mais aujourd’hui, ses défauts transparaissent d’avantages.

Un peu masculine, elle ne fait plus trop attention à son apparence. Je n’arrive plus à avoir de relation affective avec elle.

Ma mère, sa fille y arrive encore. Cette presque centenaire a eu une vie rude et a éduqué ses enfants de la même manière. Ils ne lui en tiennent pas trop rigueur. Moi, j’ai plus de mal.

Elle a connu la seconde guerre mondiale et l’exil dans le sud de la France. C’était une époque où les enfants et les femmes n’avaient pas trop leur mot à dire.

Heureusement, après mai 68, les choses ont bien changé. Ma grand-mère est cependant restée très fermée à tout cela. De plus, elle n’a toujours montré que peu d’affection à mon frère et à moi.

Elle devait être institutrice mais la guerre et son exil en ont décidé autrement. Je crois qu’elle ne l’a jamais digéré et a du faire un travail administratif qui ne l’a jamais satisfaite.