Aujourd’hui j’ai pris le déjeuner chez mes parents, avec ma grand-mère. Elle a 90 ans et de gros problèmes de mémoire. Elle me repose souvent la même question, « dans ton travail, ça va bien ? ». Je suis toujours embêté étant donné que je ne travaille pas. Je lui réponds toujours « oui » sans donner plus d’explication. Elle n’insiste pas, heureusement.
Elle est en maison de retraite. Les débuts ont été difficiles. Elle voulait rester dans son appartement. De temps en temps, elle nous fait une petite crise comme quoi sa place n’est pas en collectivité et qu’elle a toute sa tête. Puis elle oublie et retrouve le sourire.
En ce moment, elle se raconte une histoire. Elle est inquiète pour une de mes tantes qu’elle imagine chez les « fous », comme elle dit. Elle la harcèle au téléphone. En réalité, j’ai bien une tante schizophrène mais ce n’est pas celle-là.
Ma tante schizophrène m’a toujours fait peur, depuis tout petit. Peut-être que dans la souffrance, je voyais en cette tante, une sorte de prémonition futur, concernant ce que j’allais devenir.
Il y a une part non négligeable de génétique dans la schizophrénie. A l’époque je pensais que cela ne pouvait pas m’arriver. Je croyais être au-dessus de tout cela. A peine adulte, la désillusion fut cruelle. Il m’a cependant fallu des années pour accepter le diagnostic.
Ce soir, je vais surement boire quelques bières pour me changer les idées. Le samedi, je m’autorise cela. Ca ne sera pas avec des amis mais chez mes parents. Dans mon appartement, je n’ai que très rarement de l’alcool, pour ne pas être tenté.
Je me suis installé dans une sorte de routine. J’ai toujours aussi peur de sortir rencontrer du monde et faire la fête. Je suis méfiant. Il me faut du temps pour avoir confiance et me faire des amis. Plus je vieillis et plus je me sens en décalage avec les gens de mon âge. Je suis resté scotché sur la ligne de départ.