A l’association de patients ce matin, l’animateur était parti faire quelques courses. Les gens se sont un peu lâchés. Notamment Pierre, qui est schizophrène aussi. Il délire sur les gens dans la rue. Il s’imagine que les femmes avec des enfants lui font signe qu’il est le père. Il raconte donc devant tout le monde qu’il a une progéniture, sans savoir combien d’enfants et sans expliquer comment il les aurait conçus. Il s’imagine être dieu, donc procréer par l’opération du saint esprit semble logique.
Je me suis un peu reconnu dans ses propos. Je délirais aussi beaucoup à l’époque. Avant que je ne prenne un traitement. Je ne veux plus revivre cela, c’est un vrai cauchemar.
Je l’ai un peu cuisiné et il m’a avoué ne plus faire son injection. J’ai peur que jour après jour, il ne s’enfonce dans la folie. Les infirmières n’arrivent plus à le raisonner. Demain j’essaierai de lui expliquer que sans médicaments, il risque de souffrir encore plus. Il peut ne plus pouvoir se balader dans la rue sans que ses délires ne soient insupportables, car s’il est paranoïde, cela va le rendre « fou ».
Il y a aussi Gérard, avec un look très personnel. Il est bipolaire et habillé de strass et de paillettes. Le matin, il est euphorique. Il prend la parole à tout bout de champ et commence à agacer. Les gens sont très terre à terre et certains n’aiment pas son extravagance.
Enfin, l’animateur est revenu de ses courses. Je ne me sentais plus très bien. Alors que ce n’est pas mon travail, les adhérents comptent sur moi pour gérer le groupe. Je ne leur dit pas que je suis aussi schizophrène. Quelques heures par jour, j’arrive à faire illusion. Aujourd’hui, j’ai dû quand même m’isoler quelques minutes.