Cela fait plus d’un mois que je me réveille de bonne heure, vers 5 ou 6 heures. La nuit noire entoure mon appartement et comme dans un bateau, au milieu de l’océan, j’attends que le soleil se lève.
Mon cerveau tourne à mille à l’heure. Je rêve de devenir millionnaire, d’avoir une femme et de beaux enfants…
Je m’installe devant la télévision et j’ingurgite des images jusqu’à en être écœuré. Je regarde l’heure et à 7 heures précise, c’est toujours le même rituel. Je remplis mon pilulier, et j’avale ma dose de comprimés. Je suis alors rassuré, je peux ouvrir les volets et la porte de mon appartement. Normalement, je ne ferais pas de crise.
Mon cerveau est heureux, il a sa ration d’anxiolytique. Mon corps se détend un peu.
Aujourd’hui c’est le jour du seigneur. Je lui en veux de m’avoir infligé cette pathologie. A la télévision, j’évite tout ce qui concerne la religion, je suis trop écœuré.
Pour le repas du midi, ma grand-mère sera avec nous, chez mes parents. Elle aussi a le cerveau qui dysfonctionne. Mais pour elle, c’est la mémoire. Elle oublie qu’elle pose toujours les mêmes questions, comme ce que je fais dans la vie. Je lui réponds toujours le même mensonge, car en réalité, je n’ai quasiment jamais travaillé. La maladie s’est déclarée, je n’avais pas 20 ans. J’ai fait quelques tentatives mais je n’ai pas tenu. Par exemple, dans une grande surface, mon travail était de mettre en rayon les articles, avant que les clients n’arrivent. C’était, juste après ma deuxième hospitalisation. J’ai tenu trois jours, avec une boule au ventre, et un cerveau en vrac. J’ai donné ma démission.
Avant cela, j’avais travaillé dans la démolition, pendant 15 jours, c’était après ma première hospitalisation. J’avais déjà comme phobie de m’éloigner de ma ville et comme je n’ai pas voulu aller sur un autre chantier, à 1 heure de route, j’ai été remercié.