Ce matin, j’étais là, à l’association de patients. Les adhérents me parlaient mais leurs propos raisonnaient loin dans ma tête. J’avais envie de leurs répondre mais je ne trouvais plus mes mots, comme pris dans une toile d’araignée géante. Mes phrases commençaient puis tombaient dans un trou.
Je me suis mis à l’écart pour retrouver un peu de cohérence.
Je crois que les adhérents s’en sont aperçus. Ils ont dû me trouver étrange. Vers midi, je suis rentré chez moi. J’ai allumé la télévision, et j’ai été happé par les images, en ce triste jour.
Je n’ai pas tout de suite compris l’ampleur de ce que je voyais. Des morts qui s’accumulaient. Des sirènes de voitures de pompiers et de polices qui raisonnaient dans mon petit appartement.
Ma tête allait exploser. J’ai pris de la codéine pour me sentir mieux. Je n’arrivais pas à croire ce que je voyais.
J’ai fermé la télévision. Malgré cela, les images de l’immeuble de Charlie Hebdo raisonnaient encore dans ma tête.
Mes pensées pour Charlotte, jeune adhérente de mon association de patients que j’avais en vain attendu ce matin, avaient laissé place à la consternation.
Elle est toute jolie Charlotte. Un peu plus jeune que moi, je ne l’ai vu que deux fois mais nous avons longuement discuté. Depuis plusieurs jours, je regarde par la fenêtre de l’association pour guetter son arrivée.
Elle aussi a dû voir les informations à la télévision. Le métal qui transperce la chair, le sang qui coule. Tout cela est tellement éloigné des pensées que j’ai pour Charlotte. De l’envie que j’ai de la voir rire, heureuse et insouciante.
Ma tête est malade, mais je sais encore aimer. Je peux donc hurler que je suis un être humain. Je sais ce qui est bien et mal.
Je connais trop bien l’insoutenable souffrance pour ne la désirer pour personne.